• RAISIN ET RAISON ...

      

    ...font-ils bon ménage?

    Telle était le thème d'un colloque organisé par Le Point et "Vin et Société" fin Novembre. Une journée entière à discourir sur ce sujet, une pléthore d'intervenants du sportif de haut-niveau, au sociologue, historien, universitaire, comédien, journaliste, cancérologue, alcoologue, oenologue ...

    Sur le papier cela pouvait paraitre un peu ardu, voir "imbuvable"... ce fût très souvent passionnant et toujours très instructif!

    Pas de propos désagréables sur le vin, nous étions loin, très, très loin des paroles insensés qui ont pu être prononcées ces derniers mois. Tous les acteurs travaillant autour de l'addictologie l'ont répété. Le responsable ce n'est pas l'alcool, il n'est que le moyen trouvé  pour tenter de "vivre" dans notre société par certains. Le mal c'est l' absence de communication, le mal de soi, c'est croire que l'alcool permettrait de réussir à trouver sa place. L'histoire du docteur Amessen raconté par un de ses amis était frappante de ce point de vue.                                    

    De même il fut unanime de dire que le mot modération était à changer pour celui de raison, boire avec  raison ... cela implique une responsabilité personnelle, une prise de conscience et non une contrainte étatique, médicale ou judiciaire. Les chiffres sont là, la consommation d'alcool est nuisible à la santé, elle est une cause de cancers, et d'autres maladies mortelles ... à partir de combien de verres, cela n'a pas encore été démontré, beaucoup d'études se contredisent. Mais il a aussi été démontré qu'une petite et régulière quantité  de vin  pouvait avoir des effets bénéfiques, c'est le FRENCH PARADOX.

    Mais la raison ne se loge   pas seulement dans la consommation même si c'est un sujet d'utilité public et qu'il est important d'en prendre conscience, chose difficile pour les vignerons que nous sommes. 

    La raison, elle est aussi ou elle n'est plus dans d'autres aspects de notre viticulture :

           Absence totale de raison dans les prix pratiqués par les grandes étiquettes, par la bulle spéculative qui sévit autour de ces châteaux. Nous ne pouvons croire que ces vins sont mille fois meilleurs que d'autres vins "nés" ailleurs...

           Dans l'achat  de châteaux par les Chinois,  c'est là au contraire la raison qui prime! Celle qui est pragmatique! Même si une partie des intervenants ont trouvé cela positif pour notre économie locale, nous, nous pensons que cela est très symptomatique d'une profession, d'un métier qui ne fait plus rêver. Pas ou peu de repreneurs, même les enfants de vignerons ne souhaitent plus continuer, une crise de vocation, les écoles ferment des classes depuis quelques années faute de candidat, dans nos appellations notre métier est devenu non-attractif! Cela sonne le glas des petites entités!

      

         Par la passion qui anime de nombreux vignerons qui arrivent très mal en vivre.   D'après des chiffres cités ce jour-là, 80%  d'exploitations gagnent de  l'argent... nous devons connaitre les 20 autres % ... normale, elles sont largement dans l'entre-deux-mers. Nous connaissons un grand nombre  de vignerons qui n'arrivent plus à investir dans leur outil de production faute de trésorerie, qui ne peuvent pas  répercuter les hausses constantes de leurs fournisseurs, et qui "se sortent" des salaires dérisoires au vue des heures, des responsabilités, du stress qu'engendrent aujourd'hui notre profession. Pas de raison dans ce choix et cette lutte quotidienne, c'est  L'amour d'une terre, la passion d'un métier souvent dans la famille depuis des générations qui les portent...

        Aucune raison dans la décision, il y a une vingtaine d'année, de  doubler la superficie de notre appellation pour devenir le plus grand vignoble au monde. Nous y sommes mais à quel prix? Des vignes plantées sur des terres qui n'ont jamais eu cette vocation, une production excédentaire tous les ans par rapport au nombre d'hectolitres que nous savons bien vendre ...et l'industrialisation qui est entrain de contaminer nos méthodes de production. Nous étions, il y a encore quelques années, un secteur d'activité à part, les normes, la traçabilité, nous y ont fait entrer de plein fouet. Et oui le vin est devenu pour beaucoup un produit agro-alimentaire. Les techniques industrielles permettent de faire un vin ici à Bordeaux qui ressemble à s'y méprendre à un vin de l'autre bout du monde. Même qualité, même gout année après année... bienvenue dans l'ère moderne!

     

          Il faut  manquer de  raison, pour accepter les aléas climatiques, se dire que peut-être nous n'irons pas au bout du cycle ou dans des conditions très mauvaises parce que grêle, gel, parce que trop d'eau, trop de froid pas assez de soleil, pas aux bons moments... heureusement les viticulteurs comme les agriculteurs sont "joueurs" et chaque année "retentent" cette expèrience si particulière de ne pas maitriser sa production à 100% ...

           Et c'est aussi un manque de  raison qui fait que moins de 20% des vignerons assurent leur production. Serons-nous  le dernier métier à ne pas assurer son  outil de travail? Comment se relever des sinistres qui frappent notre région depuis maintenant dix ans régulièrement? Le  coût d'une assurance est très important, il est vrai, mais l'anéantissement d'une année de travail, la double peine de ne pas produire et de perdre ses clients, les une ou deux années suivantes de production  en péril selon les dégâts occasionnés  ne sont-ils pas pires? 

      

    Difficile d'être raisonnable, la viticulture par bien des points ne l'est absolument pas.         La passion porte encore à bout de bras des milliers de vignerons,  LE COEUR A SES RAISONS QUE LA RAISON NE CONNAIT! Mais en particulier dans nos appellations génériques, cette passion s'use!


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